1 janvier 1

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Pauline Barbier

La peur à cheval : comment la dépasser 

Quand on est cavalier, on va pas se mentir, la peur est une émotion normale et récurrente dans notre pratique. Comment gérer sa peur à cheval ? Comment reprendre plaisir à cheval ? Parlons-en dans cet article.

Quand on est cavalier, on va pas se mentir, la peur est une émotion normale et récurrente dans notre pratique. Aux côtés des chevaux (ou des poneys, notre incarnation préférée du démon), des animaux vivants dotés de leur propre volonté et d’un instinct de fuite inhérent à leur condition de proie, il faut partir du principe qu’il y aura quelques loupés - aussi bien en selle, qu’à pied ! S’il est sûr et certain qu’un bon travail d’éducation du cheval permet de réduire considérablement les risques d’accident (et c’est clairement l’objectif numéro 1 de Blooming), restons lucides : ça ne retirera pas le besoin fondamental de gestion de la peur chez l’humain qui manipule un cheval. Une peur mal gérée (voire carrément niée, car elle reste mine de rien encore une émotion qu’on n’évoque que peu, sous peine de passer pour un mauvais cavalier), c’est le risque de compliquer une situation délicate, menant à l’accident, ou encore à la perte toute simple du plaisir de côtoyer - et monter - les chevaux. Avant d’en arriver là, parlons-en !


 

 

Nos conseils sur le sujet :

1. Normaliser : tout le monde a peur
2. Différencier les peurs
3. Ne pas se mettre dans des situations perdantes
4. Se faire accompagner (coach, prépa mentale, autre)
5. Reprendre plaisir à cheval


1. Normaliser : tout le monde a peur

Ben oui, en fait, il faut commencer par souligner l’universalité de cette émotion absolument nécessaire à la survie de tout être humain doté d’un cerveau fonctionnel. Déjà, rappelons que l’équitation est classée parmi les sports les plus dangereux au monde (voir les liens en fin d'article). Tout cavalier a déjà eu peur plusieurs fois auprès des chevaux ou sur leurs dos. Un écart, un sursaut, un cheval qui se met à embarquer, la liste des déclencheurs d’un pic d’adrénaline est longue, trèèèès longue… D’ailleurs, ce pic d’adrénaline, il n’est pas contrôlé : il survient parce que votre organisme sent un danger imminent arriver. Et c’est très bien comme ça. 

La peur, c’est une émotion. Les émotions, ce sont des états transitoires qui envoient un message à l’organisme, pour que celui-ci soit préservé d’une situation qui pourrait être néfaste. Grosso modo, c’est une façon de garantir une certaine protection de l’espèce : si tous les individus d’une espèce, disons par exemple, un cheval, ne ressentaient pas la peur, alors ils seraient incapables de percevoir un danger qui menacerait leur intégrité physique voire carrément leur survie. En d’autres mots : sans peur, pas de survie. Donc la peur, au final, c’est une très bonne amie qu’il faut écouter. 

Prenons un exemple : votre cheval a fait un énorme écart en balade, votre corps a eu du mal à suivre la selle, et vous avez senti que l’attraction de la gravité semblait particulièrement forte le temps de quelques secondes. Par chance, vous êtes toujours en selle. Vous avez forcément eu une petite montée d’adrénaline, surtout si vous étiez surpris. Ce court moment de peur, il envoie ce message à votre corps (traduction libre) : “attention, il semblerait que ton corps se trouve dans une situation de fort déséquilibre très incertain, et si tu te casses la gueule, tu vas peut-être te péter un os ou te déchirer un ligament nécessaire à une bonne déambulation dans ta vie de tous les jours. Prépare-toi à être réactif, rapide, concentré sur le danger pour y réagir au mieux possible et tenter d’éviter de te déboiter une épaule.” En gros. Quand l’adrénaline monte, votre focus se rétrécit sur l’élément dangereux, votre cerveau met toute son attention et ses capacités cognitives pour vous tirer d’affaire du mieux possible. Votre corps est ultra réactif et sensible, prêt à faire le ninja face au danger. 

 

 

Si vous n’avez jamais ressenti ça à cheval, je me permets un petit conseil d’ami : allez peut-être consulter un médecin pour en parler. C’est pas tout à fait normal, ou alors vous êtes dans un déni très sérieux, ce qui vous donne un avantage considérable en CCE… Peut-être une voie pour vous ! (Ps : on vous aime les complétistes, mais on va pas se mytho, vous êtes un peu fous quand même)

On a tous croisé un peye (leçon de belge : un mec) qui affirme avec une certaine fierté qu’il n’a “pas besoin de casque”, genre les gars ce sont tellement des mâles virils qui ne craignent pas le danger, que s’ils tombent, leur cerveau a une forme de protection divine face aux traumatismes crâniens qui sont, pour nous autres mortels, un risque réel quand on monte à cheval. Ou bien ce sont tellement des caïds de pilote, que JAMAIS ils risquent de tomber parce qu’ils ont trop le don de l’équitation, t’as vu. Le monde du cheval, sans cesse en avance sur le reste de la société (lol), aime bien dire qu’il n’a pas peur. On monte des chevaux, ils pèsent 600 kilos, ils sont imprévisibles et très forts, ils peuvent avoir des réactions de peur très violentes, mais on est trop des fifous : on n’a pas peur. La peur, c’est pour les faibles. 

C’est faux, archi faux : aimons notre amie la peur et apprenons juste à la connaître pour l’utiliser à bon escient.

2. Différencier les peurs et les accepter

Bon, maintenant, entendons-nous bien : il y a peur normale, et angoisse pétrifiante qui empêche de vivre normalement. Côté cheval, ça arrive assez fréquemment. Une grosse chute, des accidents, un traumatisme… On en a tous entendu parler, d’untel qui s’est fracassé le bassin, d’un autre qui a perdu conscience, et qui depuis, est complètement paralysé par l’angoisse créée par le souvenir de cet accident. 

Quand le traumatisme est bien implanté, il va falloir apprendre à le dénouer pour remettre à plat notre vie émotionnelle avec les chevaux. En effet, l’angoisse forte, qui nous fait monter la boule au ventre, les larmes aux yeux au moindre élément déclencheur, qui nous hurle de mettre pied à terre immédiatement, ne doit pas devenir chronique. Quand cette angoisse est récurrente, y’a un petit problème. Donc je reprends ma petite différenciation très schématique :

  • quand vous avez une très grosse peur une fois de temps en temps, ça arrive, c’est sain, on continue à vivre et tout ira bien. Le petit trac avant un cours au centre équestre, c’est également normal et il ne faut pas s’en inquiéter outre-mesure.
  • quand vous avez une très grosse peur de façon récurrente, que vous n’arrivez plus à prendre de plaisir avec le cheval, et que ça vous bloque dans votre vie équestre “normale”, il est temps de faire quelque chose. On en parle partie 4.

Parlons rapidement d’acceptation de nos émotions. Promis, je ne rentre pas dans un truc fumé par les racines, mais dans quelque chose de très concret.

Refuser d’admettre qu’on a peur, nier, ignorer nos émotions, ça n’aide personne. Ça ne vous aide pas, vous, ça n’aide pas votre cheval, ça n’aide pas les personnes qui vous entourent. Si vous êtes en leçon, et que vous avez peur, dites-le à votre coach. Il vous aidera à évaluer le niveau de votre peur et il ajustera en fonction l’exercice de la séance. S’il/elle sent que vous êtes dans une inquiétude normale parce que vous sortez de votre zone de confort, il vous accompagnera pour passer ce cap et grandir. S’il/elle sent et entend que votre peur est tellement forte que vous perdez la maîtrise de vous-même, il/elle aura l’intelligence de ne pas vous mettre dans une situation perdante (on en parle dans le Point 3). 

Revenons sur le déni. Un gros déni, ça peut donc vous mettre en danger si vous ne communiquez pas votre peur. Un gros déni, ça risque également de vous mener à chercher des comportements de compensation pour vous soulager de cet inconfort (parfois très intense, disons-le). Et LE comportement de compensation souvent lié à la peur c’est… Attention… La… Colère ! Avec toute sa troupe de comportements dérivés, notamment l’agression. Un humain qui a peur, qui le nie complètement (par apprentissage, par fierté, par culture environnante ou autre), peut arriver à des comportements agressifs avec les autres ou avec son cheval. Alors attention, loin de moi la volonté de vous faire culpabiliser si un jour, vous avez eu un geste fort envers un cheval qui vous mettait (inconsciemment, certes) en danger direct, il y a un moment où il faut se protéger. Ici, je veux vraiment parler d’une perte de sang-froid qui nous mène à lâcher nos nerfs sur l’animal qui n’a pas mérité ça et qui n’est pas responsable de la situation.


Sans être dur avec soi-même, il faut surtout apprendre à accepter qu’on a eu peur, et prendre les devants pour mieux gérer cette émotion, sans la laisser aboutir à des comportements qu’on risque de regretter très amèrement plus tard. Ce processus d’acceptation permet aussi d’éviter de se retrouver dans une situation psychologiquement traumatique, créant ainsi un blocage émotionnel très fort et handicapant difficile (mais pas impossible) à défaire.

 

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3. Ne pas se mettre dans des situations perdantes

Si vous n’avez pas de traumatisme particulier, mais que vous avez un peu peur de temps en temps, voici quelques petits conseils en vrac. La peur n’est pas une fatalité, et même si l’équitation est un sport dangereux, je suis ultra convaincue d’une chose : si on gérait/éduquait mieux nos chevaux dès leur plus jeune âge, je pense qu’un nombre incalculable d’accidents stupides serait évité.

C’est un concept très présent dans la culture du monde “Parelli”, mais pour une fois, ce principe se retrouve de façon “cross-culture” : quiconque s’intéresse de près au comportement comprend très vite qu’aujourd’hui, la “culture” équestre dominante ne favorise pas des situations sécuritaires. Comprendre son cheval, qui il est, ce qui motive ses comportements, c’est une autoroute directe vers un contexte safe et serein pour tout le monde. Alors bien sûr, on ne retirera pas un facteur d’imprévisibilité propre au fait que c’est un animal vivant avec son propre espace émotionnel - mais vous réduirez sérieusement les risques, je vous l’assure.

J’ai comme exemple l’étonnement récurrent que je lis sur le visage de mes clients propriétaires de jeunes chevaux au débourrage. Tous mes collègues travaillant dans le même esprit l’ont observé. Les propriétaires s’attendent à ce que le débourrage soit synonyme de chutes, de réactions violentes. La réalité, quand on prend le temps du cheval et qu’on respecte qui il est, c’est qu’il y a très peu de chutes (voire pas) et de réactions violentes. Personnellement, je rencontre beaucoup plus de violences et de danger avec des chevaux en rééducation abîmés par la vie, que par des jeunes avec lesquels on démarre tout main dans la main. En bref, ce qui change, c’est comment l’humain a abordé ces animaux… On a donc plus de contrôle sur la situation qu’on ne le croit.

 


Ce que je vous recommande, c’est donc :

  • petit a : éduquez vos chevaux. Un cheval éduqué, c’est un cheval qui vous garantit de loin une plus grande sécurité qu’un animal qui capte rien à ce qu’on lui demande, qui tracte en longe et qui envoie les postérieurs en vous ignorant dès qu’il y a une contrariété. L’éducation c’est vrai, ça demande de la rigueur et du travail. Mais votre relation n’en tirera que des bénéfices positifs qui vous ouvriront des portes parfois inespérées plus tard.
  • petit b : évitez de vous mettre dans des situations pourries. Repérez les situations potentiellement dangereuses, et ne vous plongez pas dedans corps et âme. Genre, par exemple, si votre cheval chauffe comme pas permis parce qu’il est inquiet d’être séparé de ses congénères, mettez-le en mouvement sur le cercle pour qu’il ne vous explose pas sur les pieds. Si votre cheval vous a arraché la longe pleins de fois, faites attention quand il met le nez trop à l’extérieur du cercle. Si votre cheval bouge beaucoup, ne restez pas coincé entre lui et le mur. Ça paraîtra évident à beaucoup, mais parfois, ce sont de petits détails de rigueur qui sont mal respectés et mettent en danger.
  • petit c : si vous avez peur d’une situation, pré-pa-rez ! Vous avez peur de partir en balade à pied parce que votre cheval fait n’importe quoi au moindre stress ? Vérifiez d’abord en piste que votre communication est vraiment très bonne et claire, limpide. Apprenez au cheval à apprendre, en lui montrant des objets effrayants en reproduisant la situation de balade au sol (en longe, par exemple). Ne vous jetez pas sans préparation dans une situation qui vous inquiète déjà. 

En gros, le message c’est : mettez vous dans des situations où votre duo humain-cheval peut gagner, et non pas perdre.

Un petit mot sur votre équipement… Mettez votre casque : c’est déjà une base qui concerne 100% des cavaliers, du niveau club en reprise, aux Grand Prix étoilés. Même les dresseurs de haut niveau ont désormais obligation de porter le casque aux plus hauts niveaux. Ensuite, s’équiper d’un petit gilet airbag, ça peut être une très bonne idée même si vous ne faites que du plat. Pour de nombreux cavaliers, c’est un élément très rassurant à ne pas négliger ! 


 

4. Se faire accompagner (coach, prépa mentale, autre)

Maintenant, si la peur est vraiment trop forte ou handicapante, thank God we are in 2023. Les solutions n’ont jamais été aussi nombreuses et variées. Vous pouvez faire appel, selon le besoin :

  • à un préparateur mental, spécialisé dans l’équitation ou pas d’ailleurs
  • à un thérapeute en psychologie, qui pourra peut-être vous proposer des techniques type EMDR ou hypnose ou thérapies cognitive-comportementales selon vos préférences
  • à un sophrologue
  • à un professeur de méditation
  • à un professeur de yoga

Il y a une quantité de ressources merveilleuses aujourd’hui portée sur la santé mentale et sur l’optimisation de sa gestion émotionnelle. Prenez votre blocage en main pour vous refaire plaisir - c’était quand même initialement le but.

Quelques liens utiles :


5. Reprendre plaisir à cheval

Parlant de plaisir, il m’est arrivé de conseiller à des élèves dans le noir complet, totalement perdus et noués d’angoisse à faire ce petit exercice tout bête qui peut être une première porte pour passer quelques caps angoissants. Prenez une feuille, sur laquelle vous allez dessiner deux colonnes. Dans la première, notez tout ce qui vous donne vraiment un kiff infini avec votre cheval. Chaque minuscule petite chose compte. Ça peut aller de “galoper dans les champs” à “le voir arriver vers moi quand je viens en prairie” à juste le regarder brouter ou que sais-je…

Listez vraiment de façon quasi exhaustive toutes les situations que vous adorez avec votre cheval. Puis dans la deuxième colonne, vous allez noter “ce que j’aimerais améliorer”, et là on ne parle pas de travail. On parle vraiment des zones où vous sentez que vos émotions sont si fortes que vous perdez un peu les pédales. Ça peut être “sortir seul en extérieur”, “galoper en piste”, ou autre… Vous allez vite vous rendre compte que la 1ère liste est énorme, et la seconde, en général, très petite.

Ça peut permettre déjà de prendre du recul et réaliser que le plaisir doit rester votre attention principale. Maintenant, si ça ne suffit pas, (et c’est fort probable si vous avez un trauma), je vous renvoie au point 4 et vous invite à contacter un super pro pour vous aider à passer ce petit cap.

Quelques liens utiles :

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