Avant d'entrer dans le vif du sujet, il faut s'accorder sur ce que c'est, au juste, "la vieillesse". Un cheval ne devient pas subitement vieux lorsqu'il atteint l'âge de 18, 20 ou 25 ans. Le vieillissement est un paramètre individuel : certains chevaux vont vieillir plus vite que d'autres et ce peu importe leur âge !

 

C'est en fonction de son évolution au niveau du métabolisme et de sa physiologie qu'on va pouvoir dire qu'un cheval devient âgé. Il faut donc toujours observer son cheval (comme d'habitude, au fond...) pour savoir si son régime alimentaire peut ou doit changer. L'objectif général pour notre cheval vieillissant est de lui proposer un mode de vie sain, avec une alimentation équilibrée et de l'activité physique (si il en a la capacité) afin qu'il puisse conserver sa masse musculaire et plus de souplesse.

 

Pour cela, il est important de s'intéresser aux différents facteurs qui peuvent influencer les besoins nutritionnels du vieux cheval :

1. Les dents du vieux cheval
2. Les maladies orthopédiques 
3. Le comportement social 
4. L'absorption des nutriments et le microbiote
5. Le stress environnemental 
6. Les maladies 
7. L'inappétence chez le cheval âgé

 

Même si il faudra s'adapter à chaque cheval individuellement en fonction de différents paramètres (maladies, capacités physiques,...), certaines bases de soin sont similaires et indispensables pour tous les chevaux :

• bilan de santé véto, prise de sang annuelle ou bisannuelle
• suivi dentaire très régulier car la table dentaire peut se dégrader assez rapidement
• contrôle du parasitisme

 

On peut considérer ces trois points comme étant le triptyque de base à contrôler particulièrement pour aider le vieux cheval à rester en bonne santé.

 

Attention, petit rappel important : la vieillesse n'est pas une maladie, et le cheval âgé n'est pas censé être maigre ! Le physique du vieux cheval change bien sûr au fil du temps notamment avec la masse musculaire qui varie, mais il ne doit pas être maigre si des solutions adaptées sont mises en place.

 

1. Les dents du vieux cheval

Les dents du cheval sont hypsodontes, c'est-à-dire qu'elles "poussent" presque tout au long de la vie du cheval en fonction de l'abrasion à laquelle elles sont exposées. Vers 25 ans, la quantité de dent disponible est plus faible, et les crêtes de l'email sont moins importantes. La table dentaire est de plus en plus lisse, et les capacités masticatoires du cheval peuvent donc diminuer. Il peut aussi avoir des dents qui bougent ou qui tombent, réduisant encore les possibilités masticatoires. 

 

Les dents sont en fait le premier facteur de perte de poids chez le cheval âgé ! Un suivi dentaire très précis est donc extrêmement important. En plus de la visite du dentiste, vous pouvez vous-mêmes observer votre cheval et noter si des changements surviennent : de nombreux chevaux ayant des problématiques dentaires font des boulettes d'herbe ou de foin lorsqu'ils mangent. Ils mâchent "normalement", mais vous pouvez constater qu'il recrache une grande partie de ce qu'il mastique. Vous pouvez également regarder dans les crottins la taille des fibres qui s'y trouvent : si vous constatez que les fibres deviennent plus longues et plus nombreuses qu'auparavant, alors on peut penser que la capacité masticatoire a diminué.

 

2. Les maladies orthopédiques

Si on pense plus facilement à l'arthrose des membres lorsqu'on pense au cheval âgé, il ne faut pas oublier qu'il est également possible qu'il en souffre au niveau de l'ATM (articulation temporo-mandibulaire) et des cervicales hautes et basses. Les douleurs engendrées par l'arthrose à ces différents endroits peuvent mener le cheval à avoir des difficultés à baisser l'encolure pour pâturer, ou avoir plus de mal à mastiquer sa nourriture. L'arthrose des membres peut quant à elle influencer la volonté du cheval à se déplacer pour pâturer.

Ces difficultés peuvent entraîner une baisse du temps de consommation totale des fourrages et par conséquent, une baisse de l'apport énergétique du cheval. Il est donc important de bien observer son cheval et de ne pas hésiter à faire des examens si vous avez le moindre doute concernant ses capacités physiques : votre vétérinaire et votre nutritionniste vous aideront à mettre en place des solutions pour soulager votre cheval mais également pour adapter son lieu de vie et/ou son alimentation en fonction de ses difficultés. 

 

3. Le comportement social

Peu du gens y pensent, mais le cheval vieillissant peut perdre sa place dans un troupeau lorsqu'il ne présente plus les mêmes capacités physiques et relationnelles qu'auparavant. Si un vieux cheval vit dans un troupeau de 12 chevaux et avait jusqu'alors accès à un ratelier de foin en priorité mais que la dynamique sociale change, il est possible qu'il n'ait plus accès aussi facilement qu'avant aux ressources mises à la disposition du troupeau. Il est donc primordial de veiller à ce que les points d'affouragement soient présents en quantité suffisante pour l'ensemble du troupeau afin de s'assurer que les chevaux plus âgés pourront accéder à l'alimentation.

 

Il faut aussi garder en tête qu'un cheval âgé sera moins perméable aux changements qu'un jeune cheval et aura donc plus de difficultés à s'adapter à un déménagement ou à un changement dans la composition et donc la dynamique de son troupeau. Si vous devez malgré tout faire des changements au niveau du groupe ou du lieu de vie de votre cheval âgé, faites bien attention et veillez particulièrement à vous assurer qu'il pourra accéder aux ressources sans difficulté, que cela soit par rapport à sa place dans la "hiérarchie" ou bien à l'accessibilité physique des points d'alimentation et d'eau (dans le cas où il aurait plus de difficultés à se déplacer). 

 

4. L'absorption des nutriments et microbiote

Lorsque le cheval vieillit, on peut remarquer que l'efficacité du système digestif est moindre : on parle alors de diminution de l'absorption des nutriments. C'est notamment le cas chez les chevaux qui sont fort parasités ou qui l'ont été au cours de leur vie. Il est donc très important de bien suivre le parasitisme des chevaux tout au long de leur vie : un programme de déparasitage cohérent et adapté à chaque individu aidera le cheval à maintenir une bonne capacité d'absorption des nutriments, même si il est possible que celle-ci devienne moins efficace au fil des années malgré un suivi attentif. 

 

Au niveau du gros intestin, le microbiote devient moins important en terme de quantité, mais également en terme de diversité. On peut donc imaginer que la capacité du cheval âgé à digérer lesfibres alimenataires (c'est-à-dire, des glucides non structuraux) est moins importante que chez un cheval plus jeune. On peut ajouter à cela le fait que les capacités masticatoires sont également moins efficaces, ce qui engendre des particules dégluties de plus grosses tailles et moins facilement absorbées et digérées. La combinaison de plusieurs facteurs pourra mener à de grosses difficultés d'assimilation chez certains chevaux !

 

5. Le stress environnemental 

 

Si nous sommes tous conscients que gérer la température d'un vieux cheval en hiver est important, nous oublions parfois que les prémices de la perte de poids chez le cheval arrivent en général en été, lorsque la valeur nutritionnelle de l'herbe diminue. En plus d'impacter la valeur nutritionnelle de l'herbe, l'été engendre également souvent une montée en températures : on sort alors également de la zone de confort thermique du cheval qui se situe entre 5 et 25 degrés celsius. Au-delà des 25 degrés, le cheval est obligé d'augmenter ses dépenses énergétiques pour maintenir sa température corporelle à un niveau souhaitable. La première période clé de l'année est donc l'été ! C'est à ce moment-là de l'année qu'il faudra déjà veiller à l'état corporel de votre vieux cheval et adapter si besoin son régime alimentaire si vous voyez qu'il a des difficultés à se maintenir. Vous pourrez bien sûr également l'aider au niveau environnemental en lui proposant par exemple de rester au frais la journée si vous en avez la possibilité. 

 

Le vieux cheval sera également moins tolérant que ses congénères plus jeunes aux changements brusques de températures, ainsi qu'à l'humidité. Prenez l'habitude de bien observer votre cheval et adaptez son lieu de vie et ses accessoires éventuels (bâches, couvertures,...) à ce que vous voyez. Gardez également en tête que ce n'est pas parce que votre cheval "a toujours été rustique" qu'il le restera jusqu'à la fin. En effet, à partir d'un certain âge, la quantité de masse graisseuse diminue et nous savons que la graisse est un très bon isolant thermique. Si il est moins enrobé qu'auparavant, votre cheval peut tout à fait commencer à avoir froid. En plus de cela, si il présente des soucis au niveau de la mastication, il ne bénéficiera plus autant de l'effet "chauffage interne" que produit la digestion du fourrage. 

 

6. Les maladies

De manière générale, on peut constater chez les vieux chevaux une tendance à la diminution de l'efficacité de leur système immunitaire. Ils peuvent tomber malades plus souvent, même si il ne s'agit jamais de quelque chose de grave, ou réagir plus fort qu'avant en cas de "petite maladie". Il convient de particulièrement les chouchouter lorsqu'ils tombent malades et ce même si ils étaient très bons pour guérir seul dans leur jeunesse, afin d'éviter que les choses ne s'agravent. 

 

Au-delà des petits rhumes et autres maladies courantes, les vieux chevaux présentent plus souvent des dysfonctionnements au rénal, des insuffisances hépatiques ou encore des troubles au niveau de la sécretion des hormones. Il est impossible de deviner de quelle maladie un cheval est atteint sans faire d'examens, il est donc extrêmement important d'adapter le suivi vétérinaire de votre cheval dès que vous avez un doute. En effet, les maladies sont évidemment à prendre en compte pour adapter l'alimentation : un cheval âgé en bonne santé ne sera pas traité de la même façon au niveau alimentaire qu'un cheval malade. 

 

7. L'inappétence chez le cheval âgé

 

Un dernier facteur à prendre en compte dans le suivi alimentaire de votre cheval âgé est l'inappétence. Même si il y a très peu d'études sur le sujet chez les chevaux, on observe souvent sur le terrain que les vieux chevaux peuvent présenter le même type d'anorexie du vieillissement que les personnes âgées. Tout comme elles, ils auront moins envie de manger, et ce qui les faisaient saliver il y a quelques années peut ne plus les attirer du tout. 

 

La notion de goût en elle-même pour diminuer chez le cheval comme chez l'humain, que cela soit au niveau de l'alimentation ou au niveau de l'eau. Il est donc primordial de bien observer comment votre cheval se nourrit et de noter directement si vous constastez qu'il boude la ration qu'il engloutissait autrefois, qu'il préfère aller chercher chez son voisin ou qu'il ne boit plus autant qu'avant. Vous devrez peut-être adapter ce que vous proposez à votre vieux cheval et rester attentif à des changements d'appréciation de sa part ! 

 

Ces 7 facteurs à prendre absolument en compte pour bien adapter l'alimentation du cheval âgé doivent être surveillés au cours du temps ! L'essentiel est de réagir dès que vous constatez un changement, car cela vous permettra d'anticiper beaucoup mieux et ainsi d'éviter des problèmes plus importants.

 

Au-delà de ces facteurs "communs" à tous les chevaux d'âge, il est important de se rappeler que les chercheurs ont mis au point quatre grands types de chevaux âgés, notamment le cheval âgé sans problématique et le cheval dit "gériatrique" (qui prend de l'âge, avec des pathologies particulières), et qu'ils ont défini de grandes lignes nutritionnelles pour chacun d'entre elles. Pour en savoir plus, nous vous invitons à visionner notre programme "Nourir le cheval âgé" dans lequel Angélique Descarpentry décortique chaque catégorie et définit les grandes lignes du suivi nutrionnel de chacune d'entre elles.