11 octobre 2023

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Pauline Barbier

L'anxiété de séparation du cheval

Le cheval, c’est un peu comme nous, êtres humains : c’est un animal profondément social. Si l’on retrouve parfois des solitaires chez nous autres bipèdes, la solitude n'est vraiment pas naturelle chez le cheval. Le lien à l’autre est un de ses besoins fondamentaux, qu’on retrouve dans les fameux 3F (Friends, Food and Freedom) qui, malgré qu'ils soient rabâchés quotidiennement, sont encore ignorés par trop de cavaliers. Alors parlons de la sociabilité innée du cheval et des problèmes que cela peut engendrer dans un contexte humain !

Allons-y point par point pour mieux comprendre de quoi il s'agit, quand l'anxiété se manifeste et surtout quelles sont les solutions possibles :

 

  1. L’anxiété de séparation : c’est quoi, exactement ?
  2. Situations typiques dans lesquelles elle se manifeste
  3. Est-ce que ça se règle, docteur ?
  4. Ça n’a rien de personnel

 

1. L’anxiété de séparation : c’est quoi, exactement ?

Vous sortez votre cheval du pré, le séparant de son groupe… Et là, il vrille complètement. Il hurle, appelle les autres en détresse visible, il vous ignore et vous écraserait bien pour retrouver le chemin de l’être aimé. Il a perdu son cerveau et tout son corps crie son besoin de revenir avec le groupe. Bref, c’est pas la joie, et ça sent la situation “perdante” : un petit arrachage de longe, une clôture traversée, un humain bousculé…

 

L’anxiété de séparation, c’est un souci comportemental qui se manifeste quand le cheval ressent le besoin (souvent urgent) de se retrouver auprès de son/ses congénères (habituels ou pas) afin de se sentir mieux. La séparation de son/ses congénères (quelle que soit la situation : à l'écurie, en balade, en concours,...) crée un déséquilibre net et clair côté émotionnel, le cheval se sent totalement en insécurité et son instinct lui hurle de rétablir l’équilibre émotionnel en retrouvant un autre cheval.

 

Donc ce qui crée l’anxiété de séparation, c’est… La séparation ! Ce n’est pas le fait de vivre en groupe qui est le problème, mais bien le fait que l’humain isole le cheval du reste du groupe (pour le monter, le soigner, le manipuler, ou autre). Tous les chevaux peuvent la ressentir, à des stades très différents de leur vie. Il est totalement possible qu’un jeune cheval n’ait jamais manifesté de réelle anxiété de séparation mais la manifeste plus tard, adulte, si le contexte la favorise. Comme tout “problème” (causé par l’activité humaine en l’occurrence) comportemental, l'anxiété de séparation est loin d’être explicable par une cause unique : c’est souvent un ensemble de facteurs qui rentrent en jeu. Le changement est souvent le contexte le plus favorable à créer des anxiétés de séparation, même chez des chevaux relativement faciles à détacher du groupe et qui ne s’en soucient pas outre mesure habituellement. Par exemple : un changement d’écurie (vous changez de contexte et donc tous les repères habituels du cheval), un transport en concours, un changement de groupe, un changement DANS le groupe, même parfois un changement de parcelle, un changement de saison (et un rapprochement hongre-jument au printemps par exemple),…

 

Le changement de repères fait que le cheval va s’accrocher comme une moule à son rocher à d’autres repères, comme ici ses autres congénères, pour se rassurer le temps que le changement s’installe et devienne le nouveau normal. Le cheval ne fait pas exprès : il se sent sincèrement très mal. C’est à l’humain de comprendre les causes de cette anxiété et de travailler dessus, au même titre que vous travailleriez sur une peur d’un objet ou sur le calme en piste.

 

2. Situations typiques dans laquelle l'anxiété de séparation se manifeste

Petit florilège des situations qui favorisent au maximum les anxiétés de séparation :

  • On prend 2 chevaux qui se connaissent (ou pas) pour aller en compétition. Dès qu’on les sépare l’un de l’autre, c’est le drame intersidéral, puisque dans un contexte inconnu, le congénère devient le repère sécurisant, et s’en séparer fait très peur.
  • Un cheval change trop souvent de groupe ou de collègue de prairie : comme il n’a pas le temps de s’installer avec un groupe et de sentir qu’on ne va pas lui retirer ces congénères, il va petit à petit développer une peur de les “perdre” (il s'agit ici d'un langage totalement humain, mais c’est pour que vous compreniez comment le cheval se sent). Autrement dit, la ressource “copain” n’est pas stable, alors qu’il s’agit d’un besoin primordial chez le cheval, donc il développe une peur de perdre cette ressource “copain” et s’y attache de façon très forte - et donc, ne supporte pas d’en être séparé.
  • On part en balade en quittant l’écurie ou le groupe (parfois juste le lieu suffit). Or, la balade ça fait peur car c'est un environnement inconnu et non maîtrisable, tandis que l’écurie = familiarité et/ou copain. L’attachement à la sécurité et au confort du lieu qui est l'écurie va donc se manifester très fort.
  • Un cheval change d’hébergement, il perd tous ses repères, donc s’hyper attache aux autres chevaux, car cela le rassure.

 

On pourrait citer des dizaines d’autres exemples… Sachez que l’anxiété de séparation peut tout à fait se manifester avec un humain ! J’ai eu le cas à 2 reprises, avec Jazon et avec Diosa. Avec Jazon, toujours le même contexte : on part ensemble en stage dans une écurie extérieure, il est seul en prairie la nuit, et dès qu’il voit un humain (moi ou un autre), il hurle après ledit humain en détresse totale, parce que ça devient un repère. Donc avec un humain, il était zen, mais seul, c’était l’appel constant. Avec Diosa, cela se manifeste uniquement lorsqu’elle ne peut pas bouger librement ou que quelque chose la sépare de l’humain qu’elle veut approcher. C’est, dans son cas, surtout basé sur la frustration de la contention comme dans un boxe, ou derrière une barrière très frustrante qui l’empêche de déambuler librement, et c'est probablement dû à son immaturité (elle a 4 ans). Donc par exemple, on la met au boxe, puis on s’éloigne : cela va la rendre particulièrement énervée, mais elle va redescendre à l’instant où la ressource “humain” s'en va hors de son champ de vision.


3. Est-ce que ça se règle, docteur ?


Oui, évidemment, mais attention ! Il faut être patient, et accepter qu’il n’y a pas de règle. Tout dépend de chaque cheval et de son propre vécu, de sa capacité à gérer ses émotions, etc. L’anxiété de séparation, ça se travaille comme toute peur : par un travail basé sur le rétablissement de la confiance en la situation problématique.

Voici donc les méthodes qu’on va employer :

 

  • Désensibilisation/habituation : avec notamment l’approche retrait en respectant le seuil de tolérance du cheval
  • Association positive : en essayant de maximiser le confort dans la situation qui crée des émotions négatives
    L’objectif, c’est de travailler progressivement, en éloignant petit à petit le cheval, jamais en le mettant en zone rouge côté émotions. Par exemple, si votre cheval vrille lorsque vous le sortez de la prairie… Eh bien, passez juste la barrière, puis broutez devant la prairie jusqu’à ce qu’il réalise que vous n’allez pas l’emmener loin du groupe, et remettez-le dans le groupe. Répétez ça autant de fois que nécessaire pour que cela devienne confortable pour le cheval, puis commencez à brouter quelques mètres plus loin. Remettez-le en prairie. Ainsi de suite jusqu’à ce que l’éloignement commence à être assez grand pour aller confortablement dans l’écurie. La règle d’or, c’est de trouver la zone orange ! Et de ne jamais la dépasser…
  • La zone orange : c’est celle dans laquelle vous voyez visiblement votre cheval monter un peu en tension, mais juste “un peu”, pas complètement. Vous sentez qu’il est encore dans une zone émotionnelle dans laquelle réfléchir et surtout, redescendre, est possible.Une fois celle-ci trouvée, attendez qu’il redescende, et retournez dans la zone de confort (donc, avec les autres).. Ce travail peut durer des semaines comme juste quelques jours. Mais vous devez accepter que pour profondément aider votre cheval et surtout, solutionner cela sur le long terme, vous allez devoir mettre de côté vos plans d’humain.


4. Ça n’a rien de personnel


Je terminerai cet article en précisant une chose primordial : ça n’est pas à propos de vous. J’entends parfois des propriétaires vivre sincèrement mal le fait que leur cheval n’en ait visiblement rien à faire d’eux et paniquent complètement pour retrouver le confort auprès des autres chevaux, mais que eux, humains, n’aient pas ce pouvoir. C’est normal ! Vous n’êtes pas un cheval. Un cheval, ça a besoin avant tout d’autres chevaux. Les humains ne sont pas dans les besoins fondamentaux de l’espèce, que cela nous plaise ou non. Nous sommes un ajout non voulu dans leur vie, c’est pourquoi nous devons nous adapter à leurs besoins émotionnels lorsque ceux-ci se manifestent ainsi. Si vous vous sentez blessé que votre cheval ne se sente visiblement pas confortable auprès de vous autant qu’auprès des chevaux, je vous invite vraiment à explorer pourquoi cela crée ce sentiment chez vous : car ça n’est en aucun cas personnel ! L’idéal rêvé de la relation d’enfant dans laquelle le cheval et l’humain sont fusionnels, c’est, eh bien… Un idéal rêvé, et surtout profondément ancré dans l’idée humaine, pas dans l’idée cheval. Ceci étant dit, vous pouvez totalement expliquer à votre cheval que vous pouvez être confortable en toutes circonstances et être là pour être un élément rassurant. Et pour cela, vous devez mettre le temps qu’il faut pour travailler sur cette problématique (et toutes les autres à venir), car la confiance d’un cheval se gagne, elle n’est pas toujours naturelle - cela dépend profondément des tempéraments innés, ainsi que des expériences passées du cheval en question.

 

 
 

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